LIRE OU ELIRE ROUSSEAU ?

« Il est inutile de rappeler le passé quand les souvenirs ne peuvent rien pour le présent ». 

Cette réflexion de Charles Dickens (dans « David Copperfield ») sert manifestement de mantra au parcours spectaculaire, parfois barnumesque, du leader des socialistes flamands Conner Rousseau. Qui annonce son retour en politique après une démission dans la honte il y a à peine cinq mois. 

Le passé s’efface en effet. Et de plus en plus vite. Pourquoi Rousseau se rappellerait-il que le plus grand guitariste de jazz était un gitan (né en Belgique de surcroît), Django Reinhardt ? Pour contrer les racistes du Vlaams Belang et tenter d’attirer leurs électeurs, il est plus fructueux (pense-t-il) de cracher son mépris sur le peuple tzigane que de commencer ses meetings en interprétant « Nuages » ou le « Requiem à mes frères tsiganes » que Django a composé pendant la guerre pour rendre hommage à son peuple décimé par les Allemands. 

Conner Rousseau a aussi raison d’oublier les faits d’arme du parti socialiste, ô il y a si longtemps, et particulièrement de son plus illustre représentant, Emile Vandervelde. Non seulement parce qu’il a écrit les bases du parti (dans la charte de Quaregnon) mais surtout parce qu’il est l’auteur de la loi dite anti-alcoolique du 29 août 1919 (qui n’a été abolie que le 1er janvier 1984 grâce aux pressions insistantes du capitaine Haddock, président d’honneur de la Ligue antialcoolique des marins).

 Vandervelde a voulu combattre les ravages de l’alcool dans la classe ouvrière. Il n’a pas imaginé qu’elle ravagerait plus encore le président de son propre parti. Propre ? Lui qui déclarait qu’en roulant dans Molenbeek, il ne se sent pas en Belgique. Peut-être pensait-il, bloqué dans les embouteillages de la rue du cinéma ou de la rue Mahatma Gandhi, à cette phrase de cet autre Rousseau (Jean-Jacques) « Qui croit devoir fermer les yeux sur quelque chose se voit bientôt forcé de les fermer sur tout. » 

Mais il vaut mieux se battre pour améliorer le sort d’une population ou les services publics d’une commune, ses écoles, la formation des immigrés, que de cracher sur leur sort. Dans son dernier roman « On m’appelle Demon Copperhead » (chez Albin Michel, prix Pulitzer), Barbara Kingsolver, inspiré par Dickens, raconte dans une fresque magnifique le sort d’un garçon, un péquenot, un quart monde comme disaient jadis les socialistes, méprisé par la société, parce qu’il fait partie des plus démunis.  

Une lecture salutaire pour Rousseau (Conner). Mais ne rêvons pas. Le bad boy va revenir à ce qu’il adore, jouer avec les réseaux sociaux, prouver qu’il est le plus hype des politiciens, faire le clown dans des émissions de variétés, inspiré ici encore par Rousseau (Jean-Jacques) qui écrivait : « Chacun met son être dans le paraître ».       

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POUPEES RUSSES

Les complotistes affirment que les Russes sont parmi nous. Les anti-complotistes aussi. Qui a raison ? Les Russes ! 

Jouant avec les règles de la démocratie comme les enfants le font avec le Monopoly, ils achètent, vendent, envoient à la case prison et déversent leur argent sur les terrains les plus rentables, c’est-à-dire ceux où les démocraties sont le plus fragile. 

La démocratie américaine a déjà failli couler à la suite des manœuvres et vilenies des services russes pour empêcher l’élection de Hillary Clinton et favoriser celle de Donald Trump en 2016. Ces ingérences russes ont fini par être avouées par Evgueni Prigojine en 2022 – en un temps où il flirtait chaud devant avec son mentor, Vladimir Poutine. Le président américain sortant, Barack Obama avait lui aussi dénoncé le rôle des cyber-activistes russes dans la campagne de 2016 pour mener Trump au pouvoir. 

On peut s’attendre à ce que la course de 2024 soit à nouveau bénie par les popes de Moscou (ils ont des popes en stock), aidée par les services russes et financée par l’argent de quelques sociétés écrans pour contourner les sanctions (le guide du roublard donne de nombreuses clés pour exporter les roubles au nez et à la barbe des eurocrates). 

L’argent, c’est le carburant qui facilite toutes les actions des Russes. Il alimente particulièrement les caisses de plusieurs partis d’extrême droite en Europe, les poissons pilote (ou plutôt les piranhas) préférés utilisés par la Russie pour démolir les Européens. Les services tchèques viennent de dénoncer l’un des leaders de l’AfD allemande, M. Bystron (n°2 sur la liste européenne) en l’accusant d’être financé par la Russie, comme l’a été Marine Le Pen il y a quelques années. On peut reconnaître à Poutine qu’il se sert des blondes comme des hommes blancs, sans discrimination.   

Le Russiagate a maintenant contaminé le Parlement européen constate-t-on à quelques semaines de son renouvellement. 

En sa qualité de président du conseil de l’Union, Alexander De Croo a reconnu que plusieurs parlementaires sentent dangereusement la vodka dans l’enceinte du Caprice des Dieux. Des députés appartenant à l’extrême droite française et allemande, d’après la députée Nathalie Loiseau (du groupe Renew). On connait également depuis des années les liens qu’entretient la Ligue de l’Italien Matteo Salvini (vice-président du conseil des ministres) avec les services russes – ce qui fait l’affaire de sa redoutable concurrente, la première ministre Giorgia Meloni, plus rusée et moins pro-russe. 

Il ne faut jamais oublier que Poutine est une I.A. fabriquée jadis par le KGB et qu’à l’intérieur du président russe, il y a autant de petits Poutine qu’il y a de matriochkas dans une grande poupée russe.  

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QUAND ON JOUE CONTRE LA MONTRE…

   « Le temps, c’est de l’argent ». Prenant cette bonne vieille sentence au pied de la lettre, la présidente du Pérou, Dina Bolluarte se retrouve sonnée par le gong. Plus d’un tiers de ses ministres ont démissionné et la polémique risque de l’emporter à son tour. La cause de cette affaire qui ébranle une fois de plus la fragile démocratie andine ? Une montre Rolex. Ou plutôt toute une bête collection de ces tocantes hors de prix que collectionne la présidente, plutôt que des bagues de cigares cubains ou des vieux timbres belges, qui lui auraient permis de gouverner en paix. Perquisitions, instruction pénale, sa montre s’est transformée en monstre. Sa Rolex démontre ses prévarications, dit-on à Lima. Sous l’horloge, son or ! Le temps, c’est de l’argent ! Si la polémique continue, la présidente risque de couler dans le lac Titicaca. Ce qui présente un seul petit avantage : de vérifier au passage si sa tocante est vraiment waterproof.  

« A cinquante ans, si on a pas une Rolex, on a raté sa vie » s’écriait Jacques Séguéla, le publicitaire qui a fabriqué la victoire de Mitterrand avant de devenir le meilleur copain de Sarkozy. Prenant ce conseil au pied de la lettre, Madame Bolluarte n’a pas compris que l’époque a changé. Et qu’on ne montre plus ses montres. Autre temps, autres mœurs, prévenait déjà Pindare.  

La présidente du Pérou aurait mieux fait d’écouter d’autres voix en France que celles d’un fils de pub, qui l’auraient mieux mise en garde. Léo Ferré : « avec le temps, tout s’en va » ou Rastignac : « la vie humaine se compose de deux parties : on tue le temps et le temps vous tue ».

Mais, quelle idée aussi d’acheter une Rolex … Faut-il manquer de goût ! Puis de l’exhiber devant les photographes ! Croyait-elle qu’il vaut mieux faire envie que pitié ?

Est-ce qu’on pardonne plus facilement à un homme qu’à une femme de jouer avec le bling-bling ? Alors que Dina Bolluarte sent sa dernière heure sonner, Donald Trump fait assaut de mauvais goût jusqu’à l’écœurement pour récupérer les clés de la Maison Blanche. Ce qui éblouit sur les hauteurs des tours de Manhattan fait horreur sur les hauteurs des Andes… 

Les montres n’ont jamais été à la mode au Pérou. Rappelez-vous des derniers Incas réfugiés dans « Le Temple du Soleil ». Ils possédaient plein d’or mais pas la moindre horloge, ce qui a permis à Tintin de faire croire qu’il commandait au soleil de disparaître alors qu’il connaissait tout simplement l’heure exacte de l’éclipse. 

Une éclipse qui semble éliminer un à un tous les dirigeants de ce pays, l’un des plus pauvres d’Amérique latine. Trois d’entre eux sont déjà derrière les barreaux. Et pour l’actuelle présidente, il est moins une… 

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PLAIDOYER POUR UNE FEMME VOILEE

 Ce qu’on appelle l’affaire Kate Middleton a pris des proportions planétaires. Son absence à cause d’une opération chirurgicale puis la publication d’une photo retouchée où elle pose avec ses enfants à l’occasion de la fête des mères occupe dans les médias à peu près autant de place que la situation à Gaza – et beaucoup plus que le sort des otages du Hamas. Entraînant des réactions hystériques que même sa position dans le cirque royal britannique n’explique pas. 

  La voilà obligée à présent de révéler qu’elle subit un traitement contre le cancer et laisser reproduire des photos où elle apparaît marquée par la maladie. Comme une façon de s’excuser d’être apparue trop belle, maquillée et sereine sur un précédent cliché.  

 Faudra-t-il, pour contenir la curiosité malsaine des lecteurs et des abonnés convulsifs des réseaux sociaux, qu’elle s’offre chaque semaine en victime expiatoire des voyeurs de tous poils ? 

  On comprend que sa vie privée, comme celle de toutes les personnalités publiques, ne reste pas cachée derrière les hauts murs d’un manoir du Norfolk. Mais, on semble oublier que même un personnage public, un acteur du monde politique ou une star de l’écran, de la scène ou du sport ont le droit à un jardin secret. Un jardin moins épais que celui d’un quidam anonyme mais pas réduit à une peau de chagrin comme on les médias le réclament progressivement ces dernières années. 

   Kate Middleton a le droit de jeter un voile sur des événements aussi intimes que le traitement ou les soins qu’elle reçoit, l’évolution de sa santé, l’humeur plus ou moins joyeuse qu’elle affiche à ses enfants dans ces moments si pénibles mais si personnels. 

  On a l’impression que les pulsations de l’info permanente, le besoin d’une excitation fiévreuse en temps réel, la monstrueuse gloutonnerie des réseaux sociaux toujours incontrôlés effacent les aspects les plus secrets de la vie des citoyens et pas seulement celle des « gens connus ». 

Ce n’est pas cacher une info que de laisser dans l’ombre des éléments intimes de la vie privée des personnalités publiques mais rappeler qu’elles sont des êtres humains, de chair et de sang, de douleurs et de peines, et pas seulement des images d’êtres virtuels, de vagues clones à la disposition des internautes pour combler leur ennui. 

La liberté de la presse est un droit essentiel. Il faut sans cesse se battre pour le préserver dans cette époque où des officines russes ou chinoises la mettent à mal mais aussi dans nos démocraties des partisans de vérités « alternatives ». Mais elle sert à diffuser l’information, à alimenter les débats d’idées pas à balayer ce qu’il reste de la vie privée. Laissons tomber le voile sur la vie privée d’une jeune femme qui lutte en silence comme elle en a le droit pour sa santé et l’équilibre de ses enfants.   

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MORTS SUR LE NIL

  Le général al-Sissi a battu d’un cheveu Vladimir Poutine à l’applaudimètre. Elu avec 89 % des voix, il a bien mérité d’être récompensé par la Commission européenne qui s’est empressée de lui offrir 7,5 milliards d’euro tirés des poches des contribuables européens. Quand on aime, on ne compte pas. 

Après la Tunisie, la Lybie et la Turquie, il suffit donc d’être dictateur (pardon, d’être élu démocratiquement mais avec des scores qui dépassent largement ceux des rêves les plus fous des dirigeants des partis de la Vivaldi) pour avoir droit à un chèque-cadeau venu de Bruxelles. 

Il n’y a pas plus efficace que les flics égyptiens pour boucler à double tour les candidats à l’immigration vers l’Europe. Témoins, les soixante mille prisonniers politiques bouclés dans les prisons du pays plus étroitement que les pharaons dans les pyramides et, comme eux, pour l’éternité.

Question répression de l’immigration, al-Sissi a déjà fait ses preuves en verrouillant à double tour l’entrée des Palestiniens sur son territoire, Quand on lui a proposé de les accueillir pour des raisons humanitaires, il s’est écrié qu’il n’en était pas question. « Si la situation l’exige, a-t-il menacé, je demanderai au peuple égyptien de descendre dans la rue pour exprimer son refus. Des millions d’Egyptiens vont le faire ». 

Empêcher l’accueil de ses voisins est le seul cas qui permet aux citoyens égyptiens de descendre dans la rue. On suppose que cette annonce d’une manifestation remplit l’objectif du partenariat Egypte-Union Européenne qui promet de travailler « sur l’espace pour la société civile et la démocratie » comme l’a souligné Alexandre De Croo, qui était du voyage sur le Nil.  

L’épisode devrait donner des idées à Poutine. Pourquoi n’y avoir pas pensé plus tôt ? Il est toujours temps de se mettre sur les rangs. 

Ne serait-ce pas une bonne idée que la Russie soit candidate elle aussi à « accueillir » les immigrés des pays du Sud avec lesquels elle flirte ostensiblement depuis le début de la guerre d’Ukraine ? En échange, lui refusera-t-on l’habituelle contribution de Madame van der Leyen et consorts, le sourire crispé d’Alexandre De Croo et la poignée de mains virile de Charles Michel ?

Un million de Russes auraient quitté leur patrie depuis le début de la guerre. Il y a donc beaucoup de logements vacants d’autant que le vieillissement de la population et la démographie en berne assèchent le pays. Bienvenue donc aux errants chassés d’Afrique par la misère, la sécheresse ou la répression dans leurs pays, qui pourront se transformer en moujiks nouvelle génération avec le financement de l’Europe. En plus, ils formeront d’excellents soldats pour affronter les armes ukrainiennes, elles aussi financées par nos soins. Ubu, reviens !  

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ZWANZE ? NON, PEUT-ÊTRE !

   La faillite et la disparition du Palais des Cotillons à Bruxelles mérite une oraison funèbre. Car elle s’inscrit dans le cours d’un inéluctable destin, celui de l’évaporation de l’humour bruxellois. La zwanze est morte, on doit fermer chez Eugène. 

   Une tradition autrefois drôlement vivante pas seulement dans les rues (dans la cour de récréation de mon école à Schaerbeek on nous criait dessus quand on s’invectivait en bruxellois, ce qui nous encourageait à persévérer) mais aussi présente dans des théâtres, des cabarets. Elle avait ses vedettes (dont Simone Max et Marcel Roels), sa littérature (notamment les fables de Pitje Schramouille signées Roger Kervyn de Marcke ten Driessche ou les dialogues et le théâtre de Virgile) et même son cinéma (Gaston Schoukens qui a notamment filmé l’inoubliable Bossemans et Coppenolle, la pièce de Paul Van Stalle et Joris d’Hanswyck, qui a assuré l’immortalité de Madame Chapeau mais aussi de l’Union Saint-Gilloise). 

Il ne reste guère que Toone pour garder vivante la tradition de ce délicieux sabir, véritable photographie du Bruxellois moyen, moqueur et grognon à la fois, un peu anar et méfiant envers le pouvoir et l’autorité. Dans une ville où coexistent plusieurs dizaines de langues, où un habitant sur quatre est de nationalité étrangère, la seule langue qu’on ne babele plus est le bruxellois. Och’erme ! C’est d’autant plus paradoxal que le bruxellois est justement une langue cosmopolite, un zinneke de jargons divers qui ont mieux arrosé Bruxelles que la Senne.  

   Les autorités régionales, c’est tout un symbole, avaient déjà chassé le Palais du Cotillon des locaux qu’il occupait au pied du Parlement bruxellois considérant que ça ne faisait pas assez sérieux d’afficher sous ses fenêtres des masques hilares, farces et attrapes, déguisements, fusées et autres pouêt-pouêt et même des squelettes (dont la maison garantissait pourtant que ce n’était pas ceux de députés régionaux oubliés dans les couloirs.) 

Vous avez vu ce qu’ils ont collé dans les vitrines ? Des dessins et des textes sur l’activité de cette assemblée, manifestement confiés à d’anciens graphistes soviétiques. Tellement tristes que même les ketjes de la strotje ne les ont pas tagués. 

Depuis quand n’a-t-on plus ri avec le discours d’un homme ou d’une femme politique à Bruxelles ? Voyez leurs bobines sur les premières affiches électorales. Un remède contre la zwanze. Ils ont l’air tellement plus tristes que la place Rogier qu’on sait déjà qu’ils vont nous vendre toutes les promesses possibles mais qu’ils ne nous offriront pas une seule kluuterâ. 

  Si le bruxellois s’en va, on se consolera peut-être en parlant désormais syldave, la langue la plus proche de l’original. Dont la devise est le meilleur programme pour l’avenir de la capitale : « Eih bennek, eih blavek ».

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ZERO EST ARRIVE

  « Le Soir » du 2 octobre 1998 annonçait en bandeau « Deux Belges sur trois veulent régulariser les sans-papiers ». Que sont devenus tous ces Belges qui voulaient que la Belgique revoie complètement sa politique d’asile ? 

  Désormais, les politiques se battent partout en Europe comme aux Etats-Unis pour diaboliser les étrangers, les expulser, fermer les yeux sur les camps atroces où nous chargeons Libyens, Tunisiens, Turcs de nous en débarrasser. 

  Il y a quelques jours, le président Macron faisait entrer au Panthéon les époux Manouchian, héros étrangers qui se sont battus jusqu’à la mort avec la résistance française et contre ces « bons Français » qui pactisaient avec les nazis. 

  Salutaire mise en garde alors que tous ceux qui bavent pour monter au pouvoir ont fait de l’immigration l’explication de tous nos maux. 

Avec pour image choc, le fantasme du grand remplacement. Le Vlaams Belang en a fait son cheval de bataille lors de ses congrès où la haine de l’étranger sert à galvaniser les militants (« une vermine importée qui verse dans la délinquance » évolue dans « des ghettos où règne la charia » pour citer quelques propos qui ont servi de zakouskis aux débats). 

Peu à peu, les partis démocratiques se laissent gangrener par ce type de discours. On l’a vu lors du vote de la loi immigration en France il y a quelques semaines. Ou en entendant les déclarations de la N-VA qui s’essouffle à courir derrière l’extrême droite flamande en refusant désormais d’accepter tout nouveau demandeur d‘asile. « Notre objectif, c’est zéro » a clamé Théo Francken. Zéro est arrivé ? C’est ainsi que le parti conservateur veut rattraper ses électeurs tentés vers encore plus à droite que lui. Pauvre Bart De Wever obligé de faire le grand écart, en tentant de tenir un discours de chef d’état pour ne pas se couper de ses futurs partenaires d’un gouvernement qu’il veut diriger tout en laissant les grandes gueules de son parti plagier les slogans de son redoutable concurrent. 

Béni soient les immigrés, se disent en secret tous ces grands tacticiens. C’est grâce à eux qu’ils espèrent décrocher la timbale. Pourvu qu’ils continuent d’affluer d’ici le dimanche des élections !

Il faudrait parfois rappeler à Théo Francken, Tom Van Grieken ou Filip Dewinter que leurs ancêtres sont venus eux aussi d’Afrique chasser les populations locales qui vivaient à l’époque en Flandre. Et à Trump que, sans les dizaines de millions d’immigrés qui ont envahi l’Amérique et massacré ceux qui y habitaient, il ne serait pas aujourd’hui à vitupérer contre ses voisins pour revenir hanter la Maison Blanche. 

On est toujours l’immigré de quelqu’un. Mais les homo sapiens plus que les autres animaux de la planète…

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ON ACHEVE BIEN LES CHEVAUX

  La PETA, la bien nommée association pour le « traitement équitable des animaux », a lancé une campagne internationale pour interdire l’usage des chevaux de bois dans les manèges. Au grand dam des forains comme on l’imagine. Il parait que chevaucher ces canassons de bois apprend aux enfants à mal traiter les vraies bêtes. Les bons vieux bourrins en bois devront-ils être remplacés par des chars d’assaut ou des véhicules blindés en acier, tous engins autrement plus formatifs pour l’éducation des enfants dans le monde qui les attend ? Mettre des machines de guerre sur les carrousels devrait apaiser les membres de la PETA. Leurs exigences ont l’air grotesques mais ces bêtas seront peut-être entendus. Celui qui crie le plus fort a souvent raison ces jours-ci. Il a suffi que les agriculteurs défilent dans les rues et bloquent les routes pour que la commission européenne oublie l’interdiction progressive des pesticides et la santé de la planète. Le gouvernement De Croo qui cherche désespérément un projet sur lequel les partis de la majorité ne se déchirent pas pourrait trouver dans cette revendication un excellent cheval de bataille pour montrer aux électeurs qu’il galope dès que l’éthique pointe le museau. 

  Dans une époque où l’effacement est devenu très tendance, pourquoi en effet ne pas tuer les chevaux de bois après les statues qui énervent, les mots qui fâchent, les orthographes qui créent polémique, les personnalités qui dérangent, les livres qu’il faut expurger, censurer ou réécrire ? 

N’est-il pas absurde de mobiliser l’opinion publique sur des sujets aussi saugrenus alors que le monde est au bord de la catastrophe, secoué par la guerre d’Ukraine, les otages du Hamas, l’offensive israélienne sur Gaza, les massacres au Soudan, en Birmanie et ailleurs ? Tous conflits dans lesquels, il est vrai, on ne voit pas les belligérants se battre sur des chevaux au grand soulagement de leurs défenseurs.

 Une campagne pareille n’aurait pas été possible il y a vingt ans. Celui qui l’aurait proposé aurait été immédiatement enfermé chez les fous. Mais à notre époque, tous les délires sont permis et pris au sérieux.   

 On peut tout de même s’interroger. Pourquoi cet appétit de la PETA pour croquer les forains ? Les enfants qui montent sur les fiers destriers en se déhanchant pour décrocher la floche s’habituent à dominer ces bêtes et à en faire leurs esclaves, dit-elle. D’Artagnan, Lucky Luke, Don Quichotte, revenez, ils sont devenus fous ! Prenez garde, après ce trophée, la PETA va s’attaquer aux chevaux dans la littérature et la bande dessinée. Cervantès, Alexandre Dumas, Morris, bientôt interdits de bibliothèque ou détruits dans des autodafés. Avec des milliers de films dont tous les westerns. Il est temps que l’homme cesse de murmurer à l’oreille des chevaux…  

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SOURATE VOUS ÊTES FILME !

     Vous aviez déjà vu une séance du parlement bruxellois ? Moi non plus. Or, voilà que, grâce à l’imam Muhammad Ansar Butt, un saint homme pakistanais de passage dans l’assemblée régionale à l’occasion d’une visite organisée par une association et le député PS bruxellois Hasan Koyuncu, le monde entier a pu admirer l’architecture intérieure de l’institution et surtout découvrir ce qui s’y dit au micro. 

  Trois minutes et quelques de sourate psalmodiée à la tribune (soit quelques dizaines de secondes de plus que « Les Filles du Bord de mer » chantées par Adamo) et voilà le brave homme aussi célèbre qu’Adamo et Arno réunis. 

  Quelqu’un a comparé cette prise de pouvoir du Parlement à l’assaut du Capitole à Washington quatre ans plus tôt. La comparaison est inexacte. Aucun des assaillants du Capitole n’a réussi en effet à s’emparer du micro du Congrès américain alors que cette fois, l’assaillant est entré comme dans du beurre. 

Les autorités présentes ont laissé l’imam aller tranquillement au bout de son prêche sans que personne ne songe à l’interrompre et à le mettre à la porte en lui indiquant la mosquée la plus proche. 

La seule ministre bruxelloise présente, la PS Nawal Benamou, a préféré prendre la fille de l’air que d’interrompre paroles et musique… 

  A chaque événement malheureux, il y a parfois un bon côté. Dans ce cas-ci, on peut supposer que les spectateurs, conquis par la vidéo de cet incroyable incident se passionneront désormais pour les échanges qui se déroulent à l’assemblée régionale bruxelloise qui n’intéressait jusqu’ici à peu près personne. Mais, c’est pas gagné quand on lit l’ordre du jour sexy de la dernière séance plénière où il est question d’examiner le projet d’ordonnance relatif à l’octroi de subventions pluriannuelles s’inscrivant dans le cadre de la mise en œuvre du Plan social santé intégré ou le projet d’ordonnance portant assentiment à l’accord de coopération entre l’État fédéral, la Communauté flamande, la Communauté française, la Communauté germanophone, la Commission communautaire commune, la Région wallonne et la Commission communautaire française concernant le traitement de données relatives à CoBRHA+, qui doit passionner ceux qui savent ce qu’est le CoBRHA+ mais les autres ? Vous me direz que le contenu de la sourate était tout aussi nébuleux vu que personne n’a songé non plus à le diffuser avec sous-titres.  

Reste à se demander quelle mouche a piqué l’imam pakistanais de se promener dans les traverses du Parlement bruxellois ? Ce qui devrait inciter Visit.brussels à ajouter aux sites emblématiques qu’elle propose aux touristes, ce haut lieu de la politique belge. Mais sans la présence de notre imam, je crains que la désaffection risque de se poursuivre…  

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LA BELLE DAME AUX YEUX BANDES

   Jusqu’ici, la Russie avait une méthode simple pour se débarrasser des encombrants. Ils se jetaient par la fenêtre de leurs balcons, tombaient avec leur avion, se faisaient abattre par des voyous maladroits ou dérapaient sur le sol gelé. On ne compte plus les oligarques, anciens alliés ou collaborateurs du prince du Kremlin, à avoir été ainsi proprement éliminés. Sans compter évidemment ses opposants. Mais cette méthode expéditive n’a qu’un temps. Ce qui pouvait relever du malheureux hasard ou de la bête coïncidence finit par être difficile à justifier devant une opinion publique qu’il faut faire semblant de ménager. 

 Poutine s’est alors souvenu que la justice était le meilleur allié des autocrates. L’opinion publique garde un respect quasi sacré de la belle dame aux yeux bandés. 

La Justice reste le dernier recours contre l’arbitraire, telle est la conviction de beaucoup de citoyens y compris dans les régimes inhumains. Où les juges ressemblent à leurs collègues démocrates, même apparat, mêmes robes, mêmes apparences d’impartialité, écoutant avec la même attention le procureur qui poursuit et l’avocat qui défend les accusés. A la lecture des jugements, motivés, on pourrait croire que les magistrats ont pris leurs décisions en toute liberté. Dans toutes les dictatures, la plupart des juges ont l’air de respecter le cérémonial, font semblant de juger mais se plient aux ordres du pouvoir, parfois même par conviction. Les terribles procès de Moscou menés sous Staline pour éliminer tous ses anciens collègues ont certainement inspiré Poutine. 

  Le mieux c’est de voir des magistrats auparavant honorables jouer le jeu que les dictateurs attendent d’eux. Dans une enquête publiée la semaine dernière, le quotidien « Le Monde » vient d’évoquer le rôle sinistre du Conseil d’Etat français pendant la guerre dans l’élimination des Juifs des fonctions qu’ils exerçaient. La plupart des conseillers qui ont exécuté le nettoyage que les collabos attendaient d’eux siégeaient déjà avant la guerre et plusieurs ont conservé leur fauteuil après la libération. 

 On comprend donc que Poutine ait laissé aux juges en toute confiance le soin d’éliminer Alexeï Navalny, ce qui s’est révélé bien plus efficace que les tentatives d’empoisonnement. 

 Cette fois, la Russie a ouvert une procédure pénale contre plusieurs ministres baltes, dont la première ministre d’Estonie, Kaja Kallas. La Kallas qui n’a cessé de dénoncer de sa voix d’or les abus commis par Vladimir Vladimirovitch qu’elle a qualifié de terroriste. Le prétexte des poursuites ? La destruction de plusieurs monuments érigés sous le régime communiste à la gloire de l’armée rouge. 

  C’est une bonne idée, ça. Poursuivre Poutine pour la destruction des villes ukrainiennes, dont plusieurs ont aussi été construites par les vaillants travailleurs russes… 

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